lundi 23 avril 2012

Eloge de l'inconfort programmé

"J'ai envie de me mettre au bord de la falaise et de sauter en faisant confiance à la vie pour là où elle me portera!". C'est la phrase que je répète de plus en plus à mon entourage tant cela me démange de goûter à la surprise, à la beauté et à la satisfaction de voir ma vie évoluer par l'inconfort programmé dans lequel je plonge mon quotidien! J'ai pris goût à la prise de risque depuis que j'ai participé à l'organisation d'un événement où nous avions décidé de ne pas appeler de sponsors et de faire confiance à la vie pour ce qui viendra. Tout est venu. Depuis j'ai quitté mon emploi pour apprendre de ce que me réserve la vie. De manière plus douce, mais également instructive, j'ai adopté une alimentation végétarienne voire crudivore et je remet de plus en plus en question les différents domaines de ma vie... Toutes ces mises en abyme me permettent de vivre si intensément que demain si je devais mourir, je sais que j'aurais pleinement profité de mon temps sur Terre!

Jacques Pezeu-Massabuau - Éloge de l'inconfort

Ce livre m'a permis de mettre des mots sur les mécanismes qui se jouaient en moi et en nous tous. Voici en résumé ce qu'il nous enseigne:

La vie est tellement imprévisible que viser le bien être par le confort n'est qu'une douce utopie! Comment profiter et rebondir sur les surprises de la vie en traînant un immobilisme de pensée et de comportement?! Le confort intellectuel (je ne parlerai que de celui là ici), prend sa source dans le passé où le "moi" retrouve un terrain connu. Ce bien être illusoire est accompagné du sentiment d'appartenance à une société qui, la plupart du temps, a construit les normes de ce confort. Nous tombons dans un conditionnement social où les habitudes et mécanismes automatiques nous permettent d'oublier cet inconfort moral de n'être plus soi :
"Je me construit ainsi un pseudo moi décrété libre, préservant un semblant de confort existentiel tout en demeurant soumis au jeu des nécessités, normes, divergences sociales qui m'ont définies en tant que moi et sans lesquelles je ne serai pas."
Ce conformisme est nécessaire à la sécurité affective de l'être qui se retrouve seul dans cette société à l'individualisme triomphant. Là où les sociétés premières faisaient face collectivement aux événements de la vie, l'individu se retrouve aujourd'hui seul et sans armes. Pour faire face, nous nous enlisons dans le lit douillet de nos avantages, privés d'interdépendance pour le soutien et la confiance réciproque, réduits à nous plaindre et à revendiquer.
"Ces trompeuses satisfactions cachent un inconfort généralement dénié mais dont chaque minute d'introspection révèlent la profondeur et le caractère inévitable"
Pour exercer nos véritables choix individuels, nous avons la possibilité de perturber notre quotidien, créant ainsi de l'inconfort, ultime espace du libre arbitre. L'homme est en recherche d'euphorie permanente, moteur de l'action dans l'acceptation d'un certain inconfort, moteur de la destruction dans un hédonisme automatique et par là même irréfléchi. Seule la connaissance du confort et de l'inconfort permet de choisir, d'exercer son libre arbitre...
"On sait que les codes - du beau et du laid, du misérable et du luxueux, du bon goût et du mauvais, de l'utile et du superflu et tout simplement du bien et du mal - sont nés et subsistent moins d'un consentement universel que par et pour des catégories sociales détentrices de l'autorité, de l'argent et du goût. Chez soi comme à l'école, on a appris à y voir un certitude légitime car fondée sur le silence, la coutume et la loi et non sur la vérité, intime et profonde de nos instincts et du corps [...]. Il est temps de faire retour sur ces leviers de la pensée dont chaque civilisation pèse sur nos réflexions et nos actes."

De l'inconfort à l'inconfort programmé...

Dans un univers où l'usage des commodités nous borne dans notre quête d'autonomie, nous oublions de remettre en question les standards qui font notre vie. Nous tombons alors dans une uniformisation de la pensée, un moutonnage politique qui va secrètement à l'encontre de nombreux idéaux. Par peur de l'inconfort, nous pavons notre vie, envers et contre tout, d'une voie intellectuellement satisfaisante mais génératrice d'une souffrance silencieuse. Nous ne faisons plus confiance en la vie, à sa beauté surprenante et enivrante, loin de tout repères...
"Le véritable bonheur d'exister naît du mouvement perpétuel vers une image à conquérir: non un ici et tout de suite, mais un départ sans cesse recommencé"
Cherchant à sortir des carcans de la société, l'auteur se lève tôt pour un footing et une douche froide. Il imagine ainsi avoir choisi cet espace de libre arbitre. Mais, si son choix se fait en réaction à la notion de confort donné par la société, et que l'inconfort perdure, il n'en est pas moins dépendant. En effet faire une chose ou son inverse dépend à chaque fois de la chose originelle. Où est le libre arbitre là dedans? Par contre, si sans savoir, la douche froide devient pour lui un élément de confort, alors cet inconfort temporaire lui aura permis de découvrir une autre vérité pour lui même. C'est là une toute nouvelle source de confort et de connaissance de soi: l'inconfort aura alors joué son rôle!

L'idéal est d'explorer ses zones d'inconfort en les programmant sur une courte période afin de mieux réaliser en quoi nous nous enfermons quotidiennement. Par exemple, il est possible pour chacun d'observer 21 jours de végétarisme ou de crudivorisme pour mieux se rendre compte de ses effets sur le corps, ce que cela produit en nous ou contre nous pour ensuite avoir un réel choix en face de soi: en connaissance de cause! Pour ma part, j'y ai découvert une légèreté du corps et de l'esprit ainsi que de nouvelles saveurs grâce à des recettes qu'on n'irait jamais chercher en tant qu'omnivore... Sans parler bien sûr de la déculpabilisation envers le traitement animal: j'ai donc choisi de devenir végétarienne! De même j'ai découvert par mes périodes de crudivorisme que je pouvais vivre en ne dormant que quelques heures par nuit: une vrai libération!


...pour libérer sa créativité

Ces premiers exemples personnels montrent les bénéfices individuels que chaque individu pourrait trouver à l'inconfort. Voici maintenant la puissance collective que revêt ce dynamisme, une puissance que les peuples premiers, et nous même à l'époque des Gaulois et des Celtes connaissions parfaitement! Les initiations avaient autrefois ce rôle de toucher les limites de la société et de nous permettre d'en sortir de manière sécurisée et acceptée. Par l'inconfort programmé en conscience, chaque être humain retrouvait son libre arbitre, un véritable choix de vie et une vision élargie! Chaque initiation faite en conscience permet à l'individu de reprendre contact avec sa nature intérieure, libérant ainsi sa créativité qu'il pourra alors offrir au monde...
"Ne vaut il pas mieux commettre une erreur créative qu'une œuvre de bon goût stagnante?" Philippe Starck (célèbre designer)
Mais pourtant la société tourne, et nos artistes s'occupent de nous fournir la créativité hors norme dont nous avons besoin pour nous titiller de temps à autre! En êtes vous si sûrs? Que se passerait-il dans nos métiers si nous nous mettions tous à devenir créatifs? Ingénieusement créatifs? Quel serait le comportement des gens dans la rue, une fois qu'ils auront touché leurs véritables besoins? Car "nous avons tous besoin d'ivresse!". C'est ce que constate Pierre Yves Albrecht en sortant de jeunes "drogués" des affres d'une vie qui ne les comprenait pas. Par la réintroduction des "initiations" que nos sociétés ont perdues, cet homme réussit le prodige renouvelé de faire reprendre contact avec la vie, ces êtres en manque d'intensité...Un exemple parmi d'autres de ce dont nos sociétés auraient l'air si nous acceptions un peu plus de nous plonger dans l'inconfort d'une vie intense...

Et vous qu'avez-vous avez mis en place dans votre vie pour la vivre plus intensément?

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